lundi 20 juin 2011

Abdullah Ibrahim et le temps dérobé

Abdullah Ibrahim Jazz Afrique du Sud

Critique CD

Pour son édition estivale, notre groupe de blogueurs jazz, le Z Band, a décidé de rendre hommage à la musique du continent africain. Je vous invite donc à visiter les liens vers leur blogue respectif en fin d'article. Pour ma part, je vous propose un portrait du pianiste d'origine sud-africaine Abdullah Ibrahim.

Allons-y avec un peu d'histoire, tiré de Wikipedia. Devenu Abdullah Ibrahim en 1968, Adolph Johannes "Dollar" Brand, est né au Cap le 9 octobre 1934. Au début des années 1960, Dollar Brand forme le groupe The Jazz Epistles. Ensuite, avec Sathima (Bea Benjamin), sa femme, il part en Europe, et à Zurich le destin musical de Brand prend forme : Duke Ellington remarque le pianiste et la chanteuse lors d'un concert et décide de la présenter à Reprise Records. En 1965, il permet au pianiste de jouer au Newport Jazz Festival au sein du Ellington Orchestra. Puis Abdullah joue entre autres en solo au Carnegie Hall et Ellington lui permet d'être réellement célèbre lorsqu'il l'inclut dans son orchestre pour une série de concerts au piano. Par la suite, il fera une grande carrière, jouant et enregistrant avec Elvin Jones, Max Roach, Don Cherry, ou Archie Shepp.

Débutons notre rétrospective avec un très rare enregistrement vinyle de The Jazz Epistles, Verse 1, le tout premier album jazz par un groupe de musiciens noirs en Afrique du Sud. On y retrouve Abdullah Ibrahim (alors Dollar Brand) au piano, Kippie Moeketsi au saxophone alto, Jonas Gwangwa au trombone, Hugh Masekela à la trumpette, Johnny Gertze à la contrebasse, et Early Mabuza ou Makaya Ntshoko à la batterie.



En 1960, le Massacre de Sharpeville marqua le début d'une répression de plus en plus grande de la culture africaine. Le jazz, force musicale qui prône l'égalité sociale ne fit pas exception. Les retransmissions de spectacles sur les ondes radio furent interdites et certains musiciens en vue devinrent la cible des autorités. Lorsque les membres de Jazz Epistles eurent la chance de se produire en Europe pour une revue musicale, ils saisirent l'opportunité. Avec comme résultat que la musique la plus aventureuse de l'Afrique du Sud s'est épanouie en dehors des frontières du continent pendant plusieurs décennies.

Ils nous ont volé le temps, puis ils nous ont donné l'horloge. Abdullah Ibrahim

Ibrahim s'établit alors à Zurich avec son épouse. Il retourne brièvement en Afrique du Sud en 1976, pour finalement s'établir à New-York cette mêne année. Sa production des années 80 reflète ses influences musicales importantes, Duke Ellington, Thelonious Monk et Billy Strayhorn. Ici, la pièce Blue Monk de l'album African Dawn, paru en 1982.



Bien qu'il soit retourné vivre en Afrique du Sud en 1990, Ibrahim partage aujourd'hui son temps entre New-York et son pays natal. Ses dernières compositions de la fin des années 90 et des années 2000 représentent un retour aux traditions africaines indigènes qui s'expriment très clairement dans les arrangements. Un de mes albums préférés de cette période est Cape Town Revisited, enregistré en concert au Spier Estate à Cape Town en décembre 1997. Une merveille d'authenticité, de grâce et de spiritualité. On approche ici du sublime. On y retrouve la trompette fougueuse de Feya Faku sur quelques pièces. Je vous propose ce clip, enregistré à Leverkusen, Allemagne en 2007, tout aussi magnifique. Avec Belden Bullock à la contrebasse et George Gray à la batterie. Du grand art.



Toute la musique d'Abdullah Ibrahim est intimement liée à la lutte pour la défense des peuples sud-africains contre l'apartheid. Nelson Mandela a salué samedi le 11 juin dernier la mémoire de l'héroïne de la lutte anti-apartheid, Albertina Sisulu à l'occassion de ses funérailles dans un stade historique de Soweto. Au cours de sa vie, elle a été dans la ligne de mire des autorités de l'apartheid, emprisonnée à plusieurs reprises et "bannie", une mesure qui limitait ses mouvements et le nombre de ses visiteurs.



"A travers ta générosité et ta dévotion, ton autorité morale et ton humanisme sincère, pendant et après la lutte tu as dignement mérité d'être (appelée) la mère de tous nos peuples", a ajouté Mandela dans son communiqué lu par sa femme Graca Machel.

Partez vers d'autres aventures musicales africaines ici:

Maître Chronique: Coltrane "Africa brass"

Jazzques: Une interview d'Oran Etkin

Mysterio Jazz: Le guitariste malgache D'Gary

Ptilou’s Blog: Ballaké Sissoko & Vincent Ségal

Flux Jazz: Bobby Few "Beautiful Africa"

jazzOcentre: La trilogie Sclavis/Romano/Texier

Jazz Frisson : Abdullah Ibrahim et le temps dérobé

Si vous lisez Jazz Frisson dans un agrégateur de nouvelles et voulez écouter tout le contenu musical que je propose, cliquez ici sur Jazz Frisson.

Un billet de Jazz Frisson, votre blogue de jazz francophone.

5 commentaires:

Bill Vesée a dit...

Que de merveilles dans la discographie d'Abdullah Ibrahim ! Principalement dans les années 60 et début 70 : au moins une dizaine d'albums essentiels mais parfois difficile à trouver, malheureusement.

ptilou a dit...

Je suis encore peu entré dans l'univers de d'Abdullah Ibrahim après l'époque Dollar Brand... Encore beaucoup de choses à arpenter musicalement... Choix judicieux ! pour me le rappeler...

jacques a dit...

Excellent. Dommage que l'homme se la joue un peu trop Keith Jarrett (genre: "je ne supporte pas qu'on bouge, qu'on tousse ou qu'on respire pendant que je joue")...
:-))

dolphy00 a dit...

Superbe Soweto !
Un jazz qui apportait un son vraiment neuf !
Amitiés
Guy

ptilou a dit...

Un lien à ajouter celui de la Pie :
http://tinyurl.com/6z3t9fh

;-)